Une équipe de Français a investi dans la plantation de 1 300 ha de cacao en Côte d'Ivoire, pays leader mondial dans cette culture. La demande est là.
« Regardez, c’est à ce genre de verger qu’on veut arriver ! » Rémy Allemane, 57 ans, directeur général de KKO International montre une énorme plantation de bananiers. Nous sommes sur l’autoroute qui relie Abidjan à Yamoussoukro, en Côte d’Ivoire.
Cotée en bourse à Paris et Bruxelles, KKO International, produit 1 300 hectares de cacaoyers intensifs en Côte d’Ivoire depuis 2013. Elle le fait à travers sa filiale Soléa basée à Bocanda, à quatre heures de route d’Abidjan. « Nous avons choisi cet endroit car nous sommes dans l’ancienne boucle du cacao », explique Laurent Skrypczak, 51 ans, directeur administratif et financier, qui nous conduit dans les vergers.
A l’entrée de la plantation, une pancarte indique « Travail interdit aux enfants ». Le sujet est sensible. D’autant que Soléa est certifiée RainForest Alliance, pour l’aspect « socialement responsable » de la plantation.
Gagnée sur la savane et la forêt, la plantation est partagée en carrés de 20 ha au bord du N’Zi. Les plants sont irrigués au goutte-à-goutte. « Traditionnellement, en Côte d’Ivoire, il y a 1 320 pieds à l’hectare qui produisent pendant la saison des pluies, explique Emmanuel Kouadio Koffi, responsable du service Champs intensif. Ici, nous plantons 2 500 pieds qui produiront toute l’année grâce à la ferti-irrigation». Koffi nous montre même un essai à « 6 000 pieds/ha ». Laurent se précipite : « Ne prenez cette photo s’il vous plaît ! ». Secret professionnel.
Et pour cause, les vergers intensifs de cacao sont très rares en Côte d’Ivoire, pourtant premier producteur mondial de fèves (40 % de la production). C’est d’ailleurs pour cela que Rémy Allemane a choisi cet investissement. « Je voyais des plantations intensives de palmiers, d’hévéa, de bananiers, mais pas de cacaoyers, explique ce Français, ex-gestionnaire de fortunes en Suisse. Un de mes amis financiers devait réserver 10 % de son fonds d’investissement à l’Afrique. Alors, nous nous sommes lancés. » La société a déjà levé 18 millions d’euros. « Le cacao, ça fait aussi luxe, environnement, social… », sourit Rémy.
A Bocanda, on parle plutôt en francs CFA. « Ici, nous employons un millier de personnes avec les saisonniers », explique Laurent alors que nous traversons un campement de travailleurs construit au milieu de la plantation. Les salaires ? L’ex-patron de la société automobiles PGO s’exécute : « Les ouvriers de base gagnent 65 000 francs par mois (100 €), c’est 20 % de plus que le salaire minimum local ». Nous visitons une école, un puit... « Le social fait partie du projet », poursuit ce fils d’un boulanger lensois issu d’une famille polonaise.
Acquérir les 1 300 ha – il y a aussi de l’igname, du manioc… - n’a été de tout repos. « Nous avons multiplié les réunions avec les villageois pour les convaincre de nous céder leurs terres, explique Rémy. Nous signons des baux de 35 à 50 ans sur la base de 5 % du chiffre d’affaires. Au début, comme il n’y a pas de production, nous louons 10 à 20 000 francs par ha et par an (15 à 30 €) ». D’ailleurs, Rémy nous quitte pour aller négocier « 1 500 hectares supplémentaires près du fleuve Bandama ». Pratique pour l’irrigation.
Son but à terme : « Produire quatre millions de cacaoyers intensifs sur 3 000 ha en Côte d’Ivoire ». Sportif, mais pas trop risqué : les grands chocolatiers prévoient un déficit de fèves d’un million de tonnes dans les années à venir avec l’augmentation de la consommation en Chine et en Afrique.